Chers lecteurs,
Yasuoka Masahiro (1898-1983) est un personnage impliquée dans la vie politique Japonaise du vingtième siècle. Il est notamment connu pour sa promotion du Confucianisme auprès des entités politiques de son époque. Sa vie et ses idées sont intéressantes car elles permettent d’illustrer l’implication en politique de façon moderne. Son parcours montre également comment instiller les valeurs Confucéennes chez des individus pour une visée politique.
Une idée de Yasuoka Masahiro sur laquelle je souhaite m’arrêter est celle de « personnalisme confucéen ». Cette dernière a été définit par le Eddy Dufourmont [1], spécialiste de la vie politique Japonaise. Ce concept est pour moi la quintessence de ce que doit être la nouvelle politique. Cette idée, influencée par le penseur Wang Yangming, stipule que la réforme de l’Humain et de la société commence par soi-même. Cette amélioration tendant à nous transformer en junzi, l’homme de bien, accomplit dans les valeurs Confucéennes.
En quoi cette théorie représente-t-elle l’avenir politique ?
Pour répondre, comme à mon habitude, je vais illustrer mon propos à l’aide de deux exemples vécus.
– Le premier exemple est malheureusement un grand classique. Lors d’un grand dîner de famille une personne a abordé le sujet de la politique. Chacun y allait de ses idées, puis, certaines convictions se sont confrontées. A tel point que le débat a presque terminé en rixe. Les vieilles rancunes ont repris le dessus puis la discussion politique s’est mutée en tribunal de famille. Le tout s’est soldé par un fils qui ne parle plus à sa mère, depuis pratiquement deux longues années.
A l’opposé, lorsque les idées politiques convergent entre amis, une sorte d’émulation née. C’est une conjoncture dans laquelle je me retrouve souvent. Du vain bavardage concernant les mesures à prendre pour changer le monde et ce que nous ferions si nous étions ministres. Ou encore, des lamentations sur des faits divers desquels nous ne connaissons, au final, que les quelques lignes issues d’un journal. Actuellement, ces situations me mettent mal à l’aise. Car à part déblatérer, rien n’est construit ; et je tolère mal ce gaspillage de temps et d’énergie. Ces beaux discours ne sont que des chimères, et en aucun cas des solutions aux problèmes.
– La seconde illustration sera plus brève et fera part d’un ressenti. Lors de mes années d’études universitaires j’étais politisé et je souhaitais m’impliquer dans la vie politique. J’ai donc essayé de construire un réseau avec des représentants locaux de tel ou tel mouvement. Après rencontres, j’étais constamment déçu. A chaque fois je trouvais des personnes bornées ou en quête de gloire. Il y avait peut-être à l’époque une certaine convergence d’idées entre ces personnes et moi, mais dans la pratique, rien ne nous unissait et rien n’a aboutit. Des vanités et des illusions.
Ci-dessus, les principaux exemples de ce que j’appelle la politique de salon de thé. Elle porte ce nom car elle est très jolie en apparence par ses beaux discours mais n’apporte rien. Au contraire, elle détruit. Le temps consacré à commenter et à pleurnicher n’édifie pas l’avenir. J’aurai pu citer les exemples des manifestations et des grèves pour encore justifier mon propos. Des dizaines de mouvements sociaux se déroulent depuis des années sans aucune réponse du gouvernement. Face à ce néant et à cette absence de changement, je crois que l’avenir est dans la réforme Confucéenne de l’Homme. C’est ici qu’intervient le « Personnalisme Confucéen » et l’avant-gardisme de Maître Kong.
Un disciple demanda un jour à Maître Kong pourquoi il n’exerçait aucune fonction officielle. Il suggérait ainsi son manque d’activité dans la vie politique de l’époque. Le Maître répondra à son disciple : « Les textes anciens ne disent-ils pas : ‘’Respectueux envers vos parents et bienveillants envers vos frères, vous ferez fleurir partout ces vertus sous votre gouvernement.’’. Faire régner la vertu dans sa famille par son exemple, c’est aussi gouverner. Remplir une charge, est-ce la seule manière de prendre part au gouvernement ? » [2].
Le personnalisme Confucéen prend ici tout son sens. La vraie vie politique se fait chaque jour, chez nous, en agissant selon une morale saine et vertueuse. Devenant exemple par notre attitude, nous influençons ceux qui nous entourent à tendre vers un idéal vertueux. De la même façon qu’un feu diffuse de la chaleur, les vertus se transmettent autour de nous.
Le Maître disait à ce sujet : « Si le prince dirige le peuple par ses bons exemples et fait régner l’union en réglant les usages, le peuple a honte de mal faire et devient vertueux. » ou différemment « Gouvernez par la vertu, harmonisez par les rites, le peuple non seulement connaîtra la honte, mais de lui-même tendra vers le bien. » [3].
Je souhaite également citer le Da Xue (la Grande Etude), un texte classique du corpus Confucéen rédigé par un disciple du Maître : « Les anciens princes, pour faire resplendir les vertus naturelles dans le cœur de tous les hommes, s’appliquaient auparavant à bien gouverner leurs principautés. Pour bien gouverner leurs principautés, ils mettaient auparavant le bon ordre dans leurs familles. Pour mettre le bon ordre dans leurs familles, ils travaillaient auparavant à se perfectionner eux-mêmes, ils réglaient auparavant les mouvements de leur cœur. Pour régler les mouvements de leur cœur, ils rendaient auparavant leur volonté parfaite. Pour rendre leur volonté parfaite, ils développaient leurs connaissances le plus possible. » [4].
Nous pouvons étendre ces propos du Maître et de son disciple à notre cercle de connaissances. En adoptant une attitude nouvelle et constructive, basée sur l’harmonie des relations humaines, naturellement, un équilibre vers ces qualités s’effectuera. Ce renouvellement se fait par une étude approfondie de soi, chaque jour, et une étude littéraire des propos des anciens (corpus Confucéen). Ainsi, nous avons amorcé un changement concret des choses. Si par un comportement noble nous réussissons à rétablir un semblant d’harmonie Confucéenne et de paix entre les personnes, une lourde pierre aura été ajoutée à la bâtisse. Une étape aura été franchie vers la réforme morale de l’Homme et de la société.
Veiller sur nos cœurs par une introspection sincère et étudier quotidiennement, voici les perspectives d’avenir politique. Ce sont des préceptes concrets car ancrés dans le réel (car possibles), différemment du « tribun » et des discours théoriques de salon de thé.
« Zilu, un disciple : Qu’est-ce que gouverner ?
Le Maître : Montrer l’exemple. L’exemple du travail.
Zilu : Mais encore ?
Le Maître : Ne jamais s’en lasser » [5].
[2] 2 : 21 Entretiens (Lunyu) Trad. P. Séraphin Couvreur. J’ai sciemment remplacé le texte d’origine avec « textes anciens » pour faciliter la compréhension du lecteur. Dans la traduction originale il est dit les « Annales » plutôt que les « textes anciens ». Les « Annales » font référence au Chou king qui compile les décrets et grands événements des gouvernements des anciens rois Chinois.
[3] 2 : 3 Entretiens (Lunyu) Trad. 1 P. Séraphin Couvreur et Trad. 2 Anne Cheng
[4] 2 Grande Etude (Da Xue) Trad. P. Séraphin Couvreur
[5] 13 : 1 Entretiens (Lunyu) Trad. Anne Cheng
Une réflexion au sujet de « Politique de salon de thé et politique réelle »