Pour rappeler le contexte de rédaction des « Entretiens de Ruzi » je vous invite à relire l’introduction de ce projet. Bonne lecture !
1. C’est au sommet que nous sommes plus facilement atteints par la foudre.
2. Au même titre qu’une armée s’adapte à son adversaire ou l’eau au terrain qu’elle parcourt, l’Homme pourvu d’une âme noble s’adapte à son interlocuteur. Est-il cultivé ? J’échange avec lui. Est-il idiot ? Je m’abstiens. Ainsi, je grandis auprès du vertueux et j’évite de me salir avec le vulgaire.
3. Un disciple demanda au Maître ce qui était le plus important entre un exemple vertueux et l’étude. Il répondit : « Ils sont complémentaires. Le premier est momentané, le second est perpétuel. Le premier dépend des personnes que l’on rencontre, le deuxième de notre volonté. Mais si un seul devait être absolument retenu, je pense que je choisirai l’exemple vertueux. »
4. Un autre disciple continua et demanda en quoi le Maître pensait que l’exemple vertueux devait être retenu en priorité. Il répondit : « L’étude érode la pierre lentement et forge l’âme en douceur. L’exemple vertueux marque au fer rouge et laisse une trace indélébile. L’exemple vertueux a cette faculté de pouvoir changer radicalement la façon de vivre de celui qui y assiste en un instant. Celui qui n’étudie pas peut facilement être chamboulé à son insu par les actes d’un Homme sage. »
5. Un mot de travers peut déclencher une guerre. Communiquer correctement et clairement apaise les tensions.
6. Un ancien disciple du Maître avait accepté une fonction dans la haute administration d’une contrée gérée par un gouverneur inique. Un élève demanda au Maître son avis à ce sujet. Il s’exprima ainsi : « C’est une question épineuse. Selon moi l’Homme de bien doit s’abstenir de travailler et d’alimenter le vice. Mais cela est un idéal. Je ne connais pas à ce jour un prince qui soit un saint homme. Par conséquent, il appartient à chacun selon sa conscience et sa morale de juger son niveau d’implication dans une affaire. Certains ne tolèrent pas le moindre écart, d’autres sont plus flexibles. La bonne mesure est peut être d’agir sans regret ? Et savoir que l’on est allé au bout de ses convictions. De plus, si les Hommes de bien se retirent du monde et des affaires, qui restera pour contrebalancer les impuretés morales ? À quoi servira donc l’Homme de bien si il vit cloîtré chez lui ? Comme disait Maître Kong, l’Homme vertueux n’est pas fait pour vivre au milieu des animaux. C’est une tâche difficile qui est demandée à l’Homme accompli : il doit bien discerner comment et avec qui agir et doit en plus être un modèle moral pour tenter de répandre les vertus à son exemple. C’est un lourd fardeau. »
7. Un proverbe d’un pays étranger dit que lorsque l’on ne comprend pas une intrigue, il y a de forte chance que cela soit lié à l’argent. D’expérience, je trouve cela plutôt vrai.
8. Il faut un certain degré de sagesse et de fermeté pour étudier une doctrine différente à la sienne. En attendant, le néophyte doit favoriser les classiques de son école ou ce qui s’en rapproche le plus. Sinon, un flot de tergiversations risquent de mener l’apprenti à spéculer et à s’égarer plutôt qu’à agir pleinement selon les préceptes de son Maître.
9. J’ai toujours préféré être en compagnie des pauvres et des vieux. Généralement, les uns ont un bon sens naturel, les autres plus de réserve. Les riches et les jeunes, contrairement, ont tendance à être suffisants et superficiels.
10. On reconnaît les gens de faible vertu quand ils sont convaincus de n’avoir que des droits et se croient tout permis.
11. L’humour mesuré détend l’âme et le corps. L’humour abusé est frivole et vaniteux. Il est souvent utilisé par les imbéciles pour éviter le sérieux qu’ils sont incapables d’affronter.
12. Entendant une musique dissonante le Maître s’exclama : « Il est incroyable comment la musique peut altérer l’humeur ! C’est un outil à utiliser avec délicatesse de peur que l’on en devienne esclave ou tourmenté. »
13. Ayant entendu l’histoire d’une récente émeute qui coûta la vie d’un prince tyrannique, il commenta discrètement : « A se croire dans une tour d’Ivoire ils oublient qu’il y a des gens dehors qui subissent leurs idées perverses. »
14. Maître Kong était clairvoyant lorsqu’il disait que la parole n’était faite que pour communiquer. Effectivement, il est préférable de ne parler que lorsque cela est nécessaire. Au delà, on se retrouve vite à médire, à bavarder et à dévoiler ce qui ne devrait pas forcément l’être.
15. Observez le quotidien d’un Homme et vous saurez où se trouve son cœur. Il est rare de voir un adepte des beuveries être réservé. Vit-il dans le luxe, il serait étonnant qu’il soit humble et frugal.
16. Le Maître était toujours triste de voir dans la même journée un homme du gouvernement vivre luxueusement et un homme du commun dans l’austérité. Certains disciples rapportent qu’il disait à ce propos : « C’est indécent ! ». D’autres rapportent qu’il disait : « C’est injuste ! ».
17. Pourquoi multiplier les lois si aucune éducation vertueuse n’est donnée en amont ? Pour avoir un amaryllis droit, il faut un tuteur. Autrement il est vain de le cisailler après coup. Si l’on enlève pas le foyer infectieux il est inutile de traiter ce qui apparaît en surface.
18. Le Maître était très discret à propos des rites religieux. Cependant, d’après ses actes on peut conclure qu’il y tenait beaucoup. Un disciple rapporte que le Maître lui aurait dit : « Les rites religieux font raisonner une corde sensible de l’âme qui est très personnelle. C’est pour cela que c’est un sujet délicat. Pour ma part, j’essaye de suivre les commandements du Ciel. »
19. A propos de l’amitié le Maître disait « Certains m’ont appris à ne rien attendre des autres. Finalement, il faut se fier aux actes. Les paroles se trahissent facilement, volontairement ou pas. »
20. L’Homme de bien se cultive perpétuellement dans les vertus morale, physique, intellectuelle et spirituelle. Comme on entretient une plante, on entretient l’Homme.