Les Entretiens de Ruzi – Chapitre 6

Pour rappeler le contexte de rédaction des « Entretiens de Ruzi » je vous invite à relire l’introduction de ce projet. Bonne lecture !

1. Les lois sont froides, les mœurs sont chaleureuses. Gouverner en multipliant les lois génère de la confusion. Gouverner en s’appuyant sur les mœurs génère du lien social.

2. Le Maître était patient la majorité du temps. Cependant, il avait du mal à se contenir face à un manque de discipline.

3. Il est nécessaire de toujours garder une distance de courtoisie. Cela préserve de la familiarité excessive et de trop se dévoiler.

4. Un disciple a été blâmé injustement dans son activité d’administrateur militaire. Il demanda alors au Maître : « – Maître, j’ai récemment été accusé de manque de loyauté à l’égard d’un amiral. Que faire ? – Premièrement, ne fais pas l’erreur de t’emporter contre celui qui t’a blâmé. Deuxièmement, analyse la situation avec de la distance afin de voir si effectivement si tu as commis une erreur, par inadvertance ou pas. – Maître, j’ai déjà fait cela. – Alors, si tu as déjà effectué ces recommandations, sois patient et circonspect. Éventuellement, demande à quelqu’un d’extérieur à l’affaire son avis. Nous avons tendance à avoir des œillères en ce qui concerne nos fautes. – Maître, que pensez-vous d’aller discuter avec mon supérieur de cette affaire pour lui expliquer mon point de vue ? – Comment ton chef a-t-il pu te punir sans même te consulter pour connaître ta version des faits ! »

5. L’aristocratie luxueuse se satisfait du matériel : de l’or, des vêtements faits de matières rares, un char avec des chevaux renommés… Et voici qu’ils éprouvent du bien-être ! L’Homme de bien, lui, est difficile à satisfaire : beaucoup de patience, de probité et de discrétion… Et le voilà à peine apaisé !

6. Il est intéressant de constater que les personnes vénales sont rigides et impatientes lorsqu’il s’agit d’un remboursement en leurs faveurs, mais très complaisantes envers elles-mêmes quand elles commettent une erreur financière qui atteint un tiers.

7. Les vertus s’acquièrent par paliers. Cependant, ne perdez pas de vue que l’on redescend plus vite que l’on ne monte. Nous rétrogradons souvent lorsque nous stagnons et que notre hygiène de vie paraît rébarbative. Ce plateau est probablement le moment le plus dangereux pour le progrès moral car l’on perd le goût de la vertu.

8. Le Maître interrogeait ses disciples lors d’une réunion nocturne : « – Voyez-vous un tigre marcher tranquillement dans les rues de la capitale ?
– Bien sûr que non Maître.
– Et un arbre à fruits grandir avec vigueur dans le désert ?
– Non plus Maître, ce n’est pas naturel, ni compatible.
– Il en va de même pour les Hommes. »

9. Une fois le Maître couché, le plus vieux disciple sentait le regard des cadets sur lui. Il dit alors : « Je vois que mes jeunes frères ont besoin d’une explication complémentaire. Je pense que le Maître voulait dire que les Hommes vertueux doivent occuper les postes à responsabilité. Or, aujourd’hui, ce sont les arrivistes, les Hommes en quête de gloire ou ceux attirés par l’argent qui tiennent ces postes, ce qui est contre-nature. » Un jeune homme qui suivait le Maître depuis peu de temps rajouta : « Le Maître pouvait-il également parler des relations humaines au sens large ? C’est à dire que chacun doit connaître sa place et ses limites ? » l’aîné répondit alors « Le Maître doit très sûrement apprécier ta perspicacité. »

10. Les normes morales et sociales sont comme des barrages. Faites sauter un barrage, l’eau se déverse en flots torrentielles, il devient très difficile de revenir à la situation précédente. Par exemple, autorisez la gloutonnerie, comment reviendrez-vous à la frugalité sans effort ? Cela est lié à la faiblesse de la nature humaine et son penchant à se prélasser égoïstement dans les plaisirs.

11. Les rites sans vertu sont privés de sens. Les vertus sans rites dégénèrent. Les rites donnent un cadre et un modèle aux vertus. Les vertus sont la finalité des rites.

12. Le Maître était souvent mal à l’aise d’entendre parler d’un riche héritier. Un disciple rapporte qu’il aurait dit « Avoir la fortune sans être passé par les épreuves pour l’obtenir est comme devenir empereur sans connaître les rites et les vertus : cela mène au désastre. »

13. Quand le prince ne prend pas soin de son peuple, il perd instantanément le mandat céleste et donne la légitimité aux mille familles de se révolter.

14. Être trop polis rend faux et prétentieux. Pas assez rend vulgaire et déplacé. A chaque nature son juste milieu. Culture et nature doivent être bien équilibrées.

15. Une colère hystérique est comme un moulin à eau. Parler à une personne dans cet état est comme apporter une goutte d’eau au moulin : vous amplifiez le phénomène. À part s’écarter et ne rien faire, aucune autre alternative n’est possible.

16. En cas d’incertitude ou d’inquiétude le Maître consultait toujours les anciens.

17. Le Maître discutait avec un ami dont le neveu était un disciple. Il dit à propos du neveu de son ami : « Il est certes très vertueux lorsqu’il n y a pas de femmes autour de lui. Amenez une jeune femme, le voilà qu’il perd ses moyens. » L’ami du Maître rétorqua : « – Mon bon vieux Ru, oses-tu me dire que tu n’es pas troublé par les femmes ? Si oui, à partir de maintenant je serai dresseur de dragons. – Certes, tu as raison. »

18. Pauvre tout en étant persévérant, riche tout en étant oisif, me voilà fasciné.

19. Un disciple questionna le Maître a propos de la pratique des vertus et de la destinée : « – Maître, si notre destinée est déjà tracée par la volonté du Ciel, pourquoi nous efforcer d’être vertueux ? – Quelle grande question mon fils. Le Confucéen est astreint à la vertu jusqu’à la mort comme Maître Kong (Confucius) nous l’a montré par l’exemple de sa vie. De plus, on ne sait pas ce que la destinée nous réserve. Peut être que demain tu seras requis pour un poste élevé et que tes vertus seront nécessaires et brilleront à travers l’empire ? De plus, les vertus et l’étude sont la consolation de l’homme cultivé qui vit dans l’indigence. »

20. Après avoir entendu qu’un ami menait une vie difficile et pleine de malheurs, le Maître ne parlait plus et se rendait indisponible pour la journée. Certains disciples disent avoir vu le Maître dans ses appartements assis et immobile pendant plusieurs heures dans ce genre de situation.

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