Pour rappeler le contexte de rédaction des « Entretiens de Ruzi » je vous invite à relire l’introduction de ce projet. Bonne lecture !
1. Quelle grossière erreur de discernement de croire que les châtiments assurent la fidélité du peuple et la stabilité de l’état. N’est-ce pas lorsque nous sommes apeurés que nous sommes léthargiques et irraisonnables ? Comment un peuple terrorisé par les châtiments peut il agir correctement dans ce cas ? J’admets que les châtiments soient nécessaires, mais s’appuyer uniquement sur ce moyen pour avoir la loyauté du peuple, c’est méconnaître le cœur des Hommes.
2. Parlez moi autant que vous voulez de changer les institutions, si les rites et l’éducation ne changent pas le cœur des Hommes au préalable, c’est une affaire vaine. Ce serait comme donner le couteau d’un bandit qui vous menace à un autre bandit qui vous menacera plus tard.
3. – Maître, comment reconnaître un âge décadent ?
– C’est lorsque tout est inversé. Les idiots sont présentés comme brillants, les plus estimés sont les plus méprisables, le vice devient vertu… Voici quelques signes.
4. Lorsque le bon lettré Confucéen sait qu’il domine, il n’a pas besoin de faire une démonstration de force ou d’intelligence. Humblement, il se maîtrise et ne fait pas étalage de ses compétences.
5. – Maître, qu’entendez vous par l’harmonie Confucéenne?
– C’est le fait de maintenir les relations saines.
– Est-ce que cela est faisable ?
– C’est le but à atteindre et l’objectif vers lequel nous devons tendre. Bien qu’il est impossible que tous les Hommes vivent en amitié, il est important d’avoir des relations équitables et qui ne créent pas de mécontents. Au final, l’harmonie Confucéenne consiste plus à maintenir une tension intelligente et juste que de vouloir absolument que toutes les personnes soient amies. Par ailleurs, l’harmonie Confucéenne n’est pas nécessaire entre amis ou proches car elle se façonne naturellement. L’harmonie doit plutôt prendre place lorsque les relations sont dégradées ou conflictuelles.
6. – Que préconisez vous pour établir l’harmonie Confucéenne ?
– Une communication claire et honnête, une écoute attentive, voici les principaux atouts.
– Est-ce tout ? Cela semble très facile Maître.
– En théorie, oui. En pratique, non. Car il faut savoir sonder et discerner à travers les discours et les attitudes.
7. Un monarque trop dur fait fuir les initiatives et le volontariat. Un monarque trop souple fait venir la délinquance et la débauche.
8. On ne coupe pas une plante pour la rendre droite mais on lui donne un tuteur. On ne corrige la mauvaise nature de l’Homme avec des châtiments cruels, mais en l’éduquant.
9. – Maître, pourquoi les Hommes vertueux acquièrent difficilement des responsabilités ?
– Parce qu’ils n’ont pas le même spectre d’analyse et les mêmes leviers que les arrivistes.
– Pouvez-vous clarifier votre pensée Maître ?
– Les Hommes vertueux s’appuient sur la probité et l’honnêteté afin d’obtenir une fonction. Les Hommes du monde, eux, s’appuient sur leurs relations, sur l’argent et n’hésitent pas à utiliser tous les canaux existants pour arriver à obtenir un poste. Par conséquent, le premier à un champs d’action limité, le second a un champs libre pour agir : feindre la vertu, corrompre un puissant, basse flagornerie… Si un prince ne sait pas discerner correctement, il est évident que le second arrivera à ses fins rapidement. Le premier, lui, restera dans l’ombre.
10. Un beau parleur sortira toujours vainqueur face à l’Homme de bien dans une joute verbale. En effet, il est spécialiste des mots et des apparences. Une belle phrase, qui en plus serait amusante, sera constamment supérieure à une réflexion élaborée auprès des auditeurs.
11. Par ordre d’importance et d’influence : l’exemple vertueux, l’éducation, puis la loi.
12. Multipliez les présents pour vos favoris, vous multiplierez les chances d’insurrection. Récompensez sur la base des compétences et des vertus, vous augmenterez l’admiration et la loyauté à l’égard de votre gouvernement.
13. Dans les discussions politiques, le Maître ne disait pas un mot sauf en cas d’extrême nécessité ou s’il était sollicité. Un disciple rapporte qu’il aurait dit « En ces temps troublés, apporter la contradiction peut coûter cher. Il est préférable d’être furtif et d’agir discrètement en faveur du modèle Confucéen jusqu’à ce que l’on soit en mesure de s’exprimer librement et de mettre en place les idées Confucéennes. »
14. Si le haut est dégénéré, le bas le sera nécessairement aussi. Si le haut est réglé, le bas suivra. Comme les chevaux tirent un char, le haut tire le bas dans la direction choisie.
15. Ne perdez pas de temps avec les futilités et l’anxiété inutile. Il y a beaucoup à faire pour se permettre de perdre du temps et de l’énergie. Allez à l’essentiel : vertu et étude.
16. Ne laissez jamais croupir un subordonné dans une même tâche trop longtemps. Ou bien vous lui donnez d’autres responsabilités ou bien d’autres tâches. Autrement, il se retournera contre vous ou abandonnera son poste. La monotonie ne va-t-elle pas avec la somnolence ? Lorsque l’on somnole, nous sommes trop fatigués pour faire, ou ennuyés. Brisez régulièrement la routine et renouvelez les activités. Ainsi, vous amenez constamment vers un nouvel accomplissement.
17. Ne vous laissez pas duper. Observez, scrutez et voyez les signes. Ce qui lui plaît et ce qu’il déteste. A partir de là, que pourra-t-il dissimuler ? Le discernement s’approche de la vérité et débusque les stratagèmes.
18. Privilégiez le silence et l’étude au bavardage et aux loisirs. Ils sont durs à entreprendre uniquement parce qu’ils sont contre nature. Mais ce sont vos meilleurs atouts si vous vous considérez comme un lettré Confucéen. Les meilleurs athlètes n’ont-ils pas travaillé avec acharnement et dans la douleur pour devenir les plus performants ?
19. – Maître, pourquoi êtes vous si dur en ce qui concerne l’exemplarité du souverain et des dirigeants ?
– Vous êtes jeunes et vous ne connaissez pas les bienfaits d’un gouvernement vertueux.
Un autre disciple rapporte qu’à ce sujet le Maître disait : « On regrette toujours plus l’absence de ce dont on a connu les bienfaits. »
20. Mon père regrettait la dureté de son Maître. Mon frère regrettait la souplesse du sien. Je conclus que lorsque l’on connaît un extrême, on souhaite toujours l’autre.
Une merveilleuse pertinence qui fait du bien à l’âme contemporaine qui souhaite tendre vers la sagesse, merci cher ami !
L’entretien #9 m’est particulièrement d’intérêt: le sans foi ni loi aura toujours une marge de manoeuvre au spectre plus large, au détriment du bon qui reste limité par ses principes. D’où l’immense beauté du sacrifice de ce dernier ! Celle-ci ne sera justement considérée que par une âme également sage, et je crois que là réside sa juste récompense 🙂
J’attends avec impatience les prochains entretiens !
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Merci cher lecteur pour votre commentaire gratifiant. C’est très motivant. Je partage votre analyse ! 😊
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Une sagesse qui nous fait bien défaut par les temps qui courent.
Le paragraphe 3 a trouvé un écho tout particulier en moi.
Excellent travail. Continuez donc !
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