Les Entretiens de Ruzi – Chapitre 10

Pour rappeler le contexte de rédaction des « Entretiens de Ruzi » je vous invite à relire l’introduction de ce projet. Bonne lecture !

1. – Il est plus pertinent de contempler la nature afin d’en extraire des principes pour le peuple et la société que d’écouter un imbécile.
– Maître ! En écoutant un imbécile on peut tout de même comprendre ce que l’on doit éviter !
– Tu as raison, mais cela est éprouvant.

2. Ce qui est typique de ce gouvernement pervers est la dissimulation par les mots. Ils appellent les choses par leurs contraires. Ainsi, un ministre talentueux est un ministre incompétent. Une mesure soit disant populaire est finalement à l’avantage de la noblesse corrompue. Confucius était en avance lorsqu’il préconisait de rectifier les noms. En effet, de cette façon les choses sont claires. La vertu est vertu, le vice est vice.

3. Le prince souhaite t-il mener une politique saine ? Il doit immédiatement écarter les propagateurs d’idées dégénérées et faire la promotion de ceux qui sont intègres et valeureux. Repérez ceux qui propagent les idées malsaines en observant et en écoutant attentivement. Vous pourrez discriminer selon leurs loisirs et ce qu’ils détestent. En effet, a-t-on déjà vu un Homme de bien se prélasser dans la luxure et l’ostentation ? Ou un Homme de peu être authentiquement humble ?

4. Le vice et les éléments perturbateurs prolifèrent dans un état comme une maladie dans un corps. Ils attaquent les points faibles et gagnent en puissance jusqu’à ruiner l’ensemble. C’est pour cela qu’il faut agir promptement en stimulant les vertueux, et en diminuant les forces perverses. Plus vous attendez, pire la situation sera et plus le retour à l’harmonie sera compliqué.

5. L’Homme de bien agit avec une longue vue. Il anticipe ce que les actes et les mots engendrent. De cette façon, il sait où il va et il sait où il mène les autres.

6. En privé le Maître s’exprimait parfois à propos des personnes qu’il pensait être à l’origine de la décadence du royaume. En public, il préférait les allusions.

7. – Maître, comment définiriez vous la vertu d’humanité (ren) ?
– Penser aux autres et agir en conséquence. Rechercher l’harmonie plutôt que l’intérêt et le profit.

8. Un ami du Maître venait d’obtenir un poste d’enseignant dans une prestigieuse académie. Il lui demande ses recommandations en ce qui concerne la pédagogie. Le Maître répondit : « – Dans l’enseignement, le juste milieu est l’idéal. Ni trop rigide, ni trop laxiste.
– Si je ne devais en retenir qu’un seul ?
– On ne peut choisir l’un ou l’autre, car les étudiants ne suivent pas un comportement unique. C’est pour cela que je recommande un bon équilibre entre le dur et le souple. En effet, chaque étudiant fonctionne différemment. Certains comprennent vite, d’autres moins. Certains sont arrogants, d’autres sont discrets. Le tout est de faire preuve de patience et de discernement. »

9. Un état voisin de celui où résidaient le Maître et ses disciples était en pleine implosion. Un disciple demanda au Maître ce qu’il était possible de faire en telle situation. Il répondit : « Mettez vos proches à l’abri en premier. Puis, sauvez ce que vous pouvez, mais n’attendez rien de bon. Lorsque la situation est si dramatique, tout peut arriver. Politiquement, tenez vous prêt à servir la communauté pour l’amener à se tourner dans la bonne direction si les conditions sont favorables. »

10. – Quel est le pire type de personne pour un état ?
– Celui qui répand la décadence.
– Et dans l’amitié ?
– Le traître.

11. Un imbécile déterminé aura toujours plus de succès qu’un introverti raisonnable. Cela grâce à son culot et au fait que l’on entend toujours le plus bruyant.

12. – Maître, pourquoi prôner l’éducation et l’érudition alors qu’une partie de la population n’a pas les moyens de comprendre des réflexions poussées ?
– Dans un banc de poissons, il y a un groupe de meneur, puis, le reste du groupe qui suit. Si les meneurs se dirigent dans des eaux dangereuses, les autres poissons se retrouveront dans une situation ennuyeuse. En revanche, si les meneurs se dirigent vers des eaux calmes, les autres poissons sont assurés d’être tranquilles. Il en va de même avec les Hommes.
– Pouvez-vous étayer votre propos ?
– Je suis parfaitement conscient que beaucoup de personnes d’humbles conditions ne saisissent pas la notion de bienveillance (ren), ou même, s’en moquent. Cependant, si la norme promue et pratiquée par le haut est la sagesse, le bas suivra. Peu importe que cela soit par conviction ou par mimétisme aveugle.
– Mais il restera toujours des récalcitrants !
– Certes, qu’ils se tiennent prêts à assumer la honte d’utiliser la tromperie et le prix des châtiments exemplaires. Saisissez bien que l’Homme de bien Confucéen n’est pas un imbécile idéaliste. L’exemplarité vertueuse stimule les actes vertueux. L’exemplarité des châtiments à l’encontre des vicieux refroidit les bandits. L’éducation façonne l’ensemble.

13. En cas de crise dans la principauté, voyez comment les dirigeants gèrent la situation. Vous comprendrez très rapidement s’ils se soucient du peuple comme de leurs enfants ou si ils mettent tout en œuvre pour sauver leur peau sans aucune considération pour la population. Ainsi, vous saurez à quoi vous en tenir.

14. Diversifiez vos compétences et enrichissez vous des principes et des fonctionnements qui vous sont inhabituels. Êtes-vous étranger à la musique ? Comprenez les conceptions d’harmonie des notes. Êtes-vous étranger aux mathématiques ? Comprenez la logique des nombres. Plus vous acquérez de principes de fonctionnement, plus vos facultés d’analyse seront vastes. De la sorte, vous avez de nombreux outils à votre disposition pour résoudre un problème. Un médecin ne réfléchit-il pas différemment d’un général des armées ? Cela tient aux principes distincts qu’ils utilisent pour mener à bien leurs entreprises.

15. Un expert qui reçoit des leçons d’un novice, un ancien qui se fait reprendre par un jeune, un supérieur hiérarchique qui ne se fait pas obéir de ses subalternes ; ce sont des situations propres à créer des conflits.

16. Le Maître avait passé un long moment à discuter avec un marchand. Plus tard, un disciple interpella le Maître : « – Je ne comprends pas pourquoi vous avez fait preuve d’autant de sympathie à l’égard de ce marchand. Vous nous répétez régulièrement qu’ils sont plus proches des parasites que des Hommes de labeur !
– Tu as raison, j’ai dit cela. Effectivement, je me méfie de la prolifération des marchands qui vendent cher des produits qu’ils n’ont pas confectionné alors qu’ils les achètent à moindre coût aux artisans et aux paysans. Ces méthodes stimulent la cupidité plutôt que la bienveillance et l’honnêteté. Et je m’inquiète du pouvoir grandissant de cette caste. Qu’adviendra-t-il si des individus qui réfléchissent de la sorte contrôlent le pouvoir politique ? Ceci dit, pour mieux déjouer leur pouvoir, n’est-t-il pas important de comprendre la mécanique marchande ? Le médecin essaye de comprendre les germes qui causent une maladie, ce n’est pas pour autant qu’il souhaite en être infecté. »

17. Une moindre erreur, et voilà des années de vertu oubliées ! C’est malheureusement souvent comme cela que nous réagissons.

18. Méfiez vous d’une récente connaissance qui est très amicale. D’expérience, une telle attitude cache souvent un intérêt autre que l’amitié et la loyauté.

19. Il est préférable de trancher dans le vif quitte à se tromper que d’attendre bêtement. En effet, l’apathie est plus détestable qu’un essai qui échoue.

20. Tout est cyclique. Vous souriez aujourd’hui, demain vous pleurerez. Aujourd’hui vous êtes roi, demain vous serez vagabond. Ne risquez pas de tirer de la fierté de votre actuel statut. Le lendemain peut tout bouleverser et vous ramener au néant. Le ciel ne nous témoigne t-il pas cela chaque jour ? Le soleil, puis la lune ; la chaleur, puis le froid ; la sécheresse, puis la pluie ? Ne vous attachez pas aux ornements et à l’ostentation, tout cela n’est que transitoire. Uniquement nos actes resteront, pourvu qu’ils soient vertueux et bienfaisants.

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