Le détournement de Confucius
Comme vous l’avez constaté, j’ai lancé de nouvelles publications qui présentent des citations de penseurs Chinois. Ces penseurs sont affiliés à différentes écoles : l’école taoïste, l’école légiste, l’école militaire et bien sûr, l’école des lettrés, autrement appelée Confucianisme.
J’ai commencé à produire ce contenu afin de donner un peu de rigueur à ces multiples citations douteuses de Confucius que je vois régulièrement relayées. En effet, il y a beaucoup d’erreurs lorsque Confucius est cité (citations inventées ou faussement attribuées au Maître). De plus, elles ne sont pratiquement jamais référencées. On ne sait pas d’où la citation est extraite et qui est le traducteur. C’est pour cette raison que vous trouverez sous chacune des citations que je présente une légende qui indique : le titre du livre, l’éditeur et le nom du traducteur.

A ma connaissance, le Maître n’a jamais prononcé cette phrase. Effectivement, cette citation est vraisemblablement déformée du Xunzi, le livre de Maître Xun. Veuillez trouver ci-dessous ce qui semble être l’original :
« Mieux vaut entendre que ne rien apprendre du tout, mieux vaut voir qu’entendre, mieux vaut comprendre que voir et faire vaut mieux que comprendre seulement. » (La citation provient de Xunzi, chapitre 8, page 104 éditions Cerf. La traduction est de Ivan P. Kamenarovic, disponible aux éditions Cerf et Belles Lettres.)
Ci-après un autre exemple très répandu :

A ma connaissance, le Maître n’a jamais prononcé cette phrase non plus. Elle se rapproche, dans le meilleur des cas, de cet extrait des Entretiens de Confucius :
« Il n’impose que des travaux dont le peuple est capable ; dès lors, qui serait mécontent ? » (« Il » se réfère au junzi, l’Homme de bien Confucéen. La citation provient des Entretiens de Confucius, chapitre 20, verset 2. La traduction est de Séraphin Couvreur, disponible aux éditions Mille et une nuits.)
Je pourrai continuer, mais le site Quoteinvestigator.com fait un travail conséquent et complet à ce sujet.
Ces remarques sur la forme maintenant faites, je veux digresser à propos du fond.
Confucius est souvent repris et associé aux méthodes de développement personnel. Bien que je sois satisfait de savoir que le développement personnel aide des individus à se sentir plus heureux, je ne peux m’empêcher de trouver des aspects discutables à ces nouvelles pratiques.
Je souhaite être clair : le Confucianisme n’est pas une méthode de développement personnel.
La doctrine du Maître regroupe de nombreux aspects philosophiques, rituels, sociaux et politiques. Utiliser Confucius pour le développement personnel est un détournement d’un système philosophico-religieux élégant qui a été élaboré par de nombreux érudits Chinois au cours de l’histoire. Le Confucianisme, entre autres, a modelé la vie des Chinois à travers des réformes politiques et économiques sérieuses mais aussi la façon dont ils abordent la vie et ses aspects religieux et moraux. Aussi, le Confucianisme a plutôt pour but l’harmonie sociale que « d’oser être soi et s’affirmer », ce qui explique en partie le fonctionnement orienté vers le collectif de la société Chinoise.
Au total, il est nécessaire de bien faire la distinction entre la quête des vertus Confucéennes et le développement personnel actuel. En effet, le Confucianisme propose une mécanique de transformation de soi et du monde par l’étude, la politique et les rites religieux et sociaux. Alors que le développement personnel vise davantage la confiance en soi par ses différents outils : « coaching », jeûne intermittent, méditation en pleine conscience. Le premier englobe plusieurs strates de l’humanité, le second se concentre majoritairement sur le soi.
Une réflexion au sujet de « Le mésusage de Confucius »