Les Entretiens de Ruzi – Chapitre 15

Pour rappeler le contexte de rédaction des « Entretiens de Ruzi » je vous invite à relire l’introduction de ce projet. Bonne lecture !

1. – Maître, pourquoi est-ce que les Hommes vertueux sont-ils inemployés et souvent inconnus du monde ?
– Le Ciel éprouve les Hommes de bien afin de les rendre dignes de futures récompenses. Que ce soient des gratifications dans le monde ou dans leurs vies. Les premières sont des responsabilités à travers lesquelles ils brillent, les secondes sont le repos dans la vieillesse et la reconnaissance des proches.

2. S’approcher du juste milieu c’est s’approcher du vrai. S’approcher du vrai c’est s’approcher du pur. S’approcher du pur c’est être bientôt immaculé. Être bientôt immaculé, c’est être en accord avec le Ciel. 

3. Ceux qui utilisent la tromperie se croient souvent vifs d’esprit. Cependant, leurs duperies se révèlent régulièrement à un moment inopportun. C’est ainsi que leurs stratagèmes sont révélés au grand jour et que la lumière est faite sur leurs intentions perverses. L’Homme de bien, lui, toujours honnête n’a pas besoin de retirer un mot de ce qu’il a dit. S’il est confronté à une erreur, humblement, il s’en excuse. Sans regrets, l’Homme de bien Confucéen est en paix et ne ressent aucune peur, car il n’a pas à se justifier.

4. Sauf en situation d’urgence, ceux qui vous demandent une réponse immédiate sont rarement bienveillants.

5. Le Maître semblait abattu, alors les disciples s’approchèrent et dirent :
« – Maître, pourquoi êtes vous triste ?
– Car j’ai le sentiment de ne faire que de m’éloigner de la vertu. Rien n’est plus décevant que de sentir nos qualités morales se dissiper. »

6. – Maître, quelle est la méthode pour atteindre la sagesse ? 
– Étudier chaque jour les textes Confucéens et s’examiner chaque soir. Étudier les textes éclaire nos décisions et ce à quoi nous sommes confrontés. S’examiner permet d’évaluer où nous avons manqué de bienveillance et d’équité. 

7. Tout voir comme un éternel conflit enferme l’Homme dans un paradigme malsain. L’école des stratèges de Maître Sun (Sun Tzu) propose de nombreuses méthodes de guerre, cependant, je crois que des solutions morales et diplomatiques existent aussi. 

8. – Le changement est le témoin de l’évolution ou de la régression. 
– Maître, n’aviez-vous pas dit que la constance était importante pour le sage ? À présent, vous parlez de changement. Pouvez-vous m’éclairer ? 
– Effectivement, je loue la constance dans l’étude et le souhait de devenir un Homme vertueux. Mais est-ce incompatible avec le changement ? Un changement constant vers le perfectionnement des valeurs morales est l’idéal pour le véritable Confucéen. 

9. Sans l’accord du Ciel, vous pouvez chercher la sagesse autant que vous le voulez, vous ne la trouverez pas. 

10. On ne peut forger une lame et jouer de la cithare en même temps. Lors de votre quête de la sagesse, appliquez vous à une tâche à la fois. Lorsque vous avez bien avancé, considérez en une autre.

11. Tout n’est que vice et vertu. Une fois que l’on a compris ce principe, observer les événements du monde des Hommes devient un jeu répétitif. 

12. Les princes se prélassent dans des orgies, multiplient les conquêtes sexuelles. Mais cela est contraire à l’ordre naturel de l’Homme. Les corbeaux pratiquent la fidélité entre partenaires, l’Homme serait-il moins continent qu’un oiseau ? 

13. « Le Ciel n’agit pas », disent les taoïstes, « le non-agir est conforme à la volonté du Ciel ». Cependant, ce n’est pas parce qu’on ne le voit pas agir qu’il n’agit pas. Le vent est invisible, les taoïstes vont-ils nier que les arbres se courbent sous l’influence du vent ? Le Ciel agit, mais subtilement et doucement. C’est en cela que le Ciel enseigne l’humilité et la patience.

14. L’Homme de bien surmonte les épreuves comme le saumon remonte les eaux douces : avec détermination, persévérance et courage. 

15. Je préfère un bavard qui échange, que celui qui est laconique mais ne s’intéresse jamais aux autres. 

16. Lorsque les élèves abordaient le « rêve du papillon » de Maître Zhuang (Zhuangzi), le Maître devenait muet et comme terrifié. Il aurait dit un peu avant son repos éternel : « Et si Zhuang avait raison ? La réalité a-t-elle un sens ? » 

17. La beuverie est plaisante mais ses retombées amères. La discipline est amère mais ses retombées sont douces. 

18. Prenez garde et remettez en perspective. Un angle d’attaque ne permet pas de tout comprendre. Plusieurs calculs pour un même problème s’approchent de la solution. La finesse du jugement réside là : remettre en question et se remettre en question. 

19. – Maître, je suis désespéré, je n’arrive toujours pas à avoir plus de discernement. Je sens que je suis médiocre dans mes choix et que mes actes manquent de courage. Est-ce qu’en vieillissant je vais m’améliorer ? 
– Quelle grande question ! Ce que tu reconnais est déjà la preuve d’un esprit avancé qui souhaite affiner ses vertus. La route est longue, et j’ai moi-même l’impression de ne pas en voir le bout alors que je suis ton aîné. Actuellement, je peux t’affirmer qu’entre ma jeunesse et maintenant j’ai amélioré trois points. Les voici : je sais plus rapidement ce que je dois éviter que lorsque j’étais jeune, mon temps pour comprendre mes erreurs est plus court qu’avant, et j’ai moins de difficultés à étudier que pendant mon jeune âge. 

20. – Maître, appréciez-vous la vie et ses beautés ? 
– J’apprécie converser avec mes disciples, écouter les oiseaux et observer la nature. Mais est-ce apprécier la vie ? Ce qui la complète est la mort, et je ne connais pas la mort. Comment saurais-je si la vie est vraiment appréciable alors que je ne la connais que de façon incomplète ? 

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