Pour rappeler le contexte de rédaction des « Entretiens de Ruzi » je vous invite à relire l’introduction de ce projet. Bonne lecture !
1. – L’être humain n’est qu’un animal qui sait lire et porter des vêtements !
– Effectivement, c’est un animal. Mais un animal unique qui a la possibilité de choisir. Le Ciel a donné à l’Homme une conscience qui lui offre l’opportunité d’emprunter la Voie. S’il choisit la Voie, il est en accord avec le Ciel. Cela n’a rien à voir avec les autres espèces qui agissent par instinct ou avec une conscience inférieure. Cette possibilité de choisir est à la fois son honneur, son fardeau et sa responsabilité à l’égard du reste de la Nature.
2. Évitez de trop vous enfermer dans un domaine. Cela risque de vous aveugler et de vous bloquer dans un seul paradigme. A regarder de trop près un objet, on ne perçoit plus ce qu’il y a autour.
3. Même dans le dépouillement le plus total, celui qui arrive à toujours pratiquer la bienfaisance et à se conformer à la Voie est proche du statut de sage. Pratiquer les vertus en vivant dans le confort est atteignable avec quelques efforts. Pratiquer les vertus en vivant dans les ténèbres est plus difficile, et c’est à cela que l’on reconnaît celui qui est déterminé à élargir la Voie Confucéenne.
4. Forcer la fortune pour obtenir ce que l’on souhaite est souvent infructueux. Ne rien attendre et ne rien espérer donne une fortune favorable.
5. Il est malheureux que certains individus ne comprennent les problèmes que lorsqu’ils ont déjà atteints leurs points de non-retour. Un peu de compassion, d’attention et une écoute sincère suffisent à déceler les peines des autres et à éviter les drames.
6. Espace et temps, vie et mort, matériel et spirituel, mâle et femelle, vice et vertu. Le monde se décompose bien souvent par dualités. Lorsque ce phénomène est apprécié, le cours des choses devient plus compréhensible. Il y a l’envers et l’endroit. Se cloisonner dans un seul aspect est une erreur. Il est nécessaire de voir le ou les inverses de chaque fait pour assimiler les mécanismes. Cela est valable dans tous les domaines : le politique, la morale, le religieux, la vie en société, la médecine, l’art de la guerre…
7. Le Maître avait une discussion avec un mathématicien à propos des méthodes, des outils et de la finalité. Un disciple a rapporté cet échange :
« – Les mathématiques permettent d’expliquer la majorité des faits.
– Certes, c’est un outil puissant. Mais il est important de ne pas confondre l’outil et le but. »
Plus tard, des élèves du Maître lui demandèrent de clarifier l’idée derrière sa remarque. Il dit : « Je n’apprécie guère peu ceux qui ne voient les problèmes qu’à travers le prisme réduit de leurs spécialités respectives. A force de se spécialiser, on ne pense plus que par son expertise. A tel point qu’elle devient le moyen et la fin. »
8. Il est impossible de satisfaire un ingrat.
9. Deux disciples du Maître avaient une discussion qui s’est terminée en dispute. L’ un d’eux vint se plaindre au Maître du mauvais comportement avec lequel son camarade s’était comporté, expliquant ainsi la raison de l’altercation. Le Maître dit alors : « Peu m’importe qui a commencé. Si l’un a commencé, l’autre a continué. Ni l’un ni l’autre n’avez été capables de réorienter la discussion vers l’harmonie, voilà ce qui m’inquiète. »
10. Un ermite taoïste avait interpellé le Maître lors de son périple dans les régions rurales du pays. Il lui demanda la chose suivante :
« – Toi, qui es de l’école de Confucius. Peux tu me dire qui a instauré la hiérarchie dans la société ?
– Selon Maître Xun, les anciens rois, dans leur grande sagesse face aux dérives de l’Homme, ont instauré les rites. Étape par étape, les rites se sont affinés pour organiser la société le plus sainement possible.
– Vous les lettrés, qui aimez vous réclamer de la Nature et du Ciel, n’êtes vous pas dérangés par l’artificialité de vos structures ? Je trouve beaucoup de contradictions dans la doctrine de Confucius. Comprenez que le Tao suit la véritable Nature. Du Rien, nous retournons au Rien. Retirez-vous du monde, ce sera un bien meilleur projet pour le peuple que de continuer à proposer vos doctrines !
– Les fourmis sont organisés en société, les loups respectent une hiérarchie. Nous les Hommes, les plus honorés du Ciel, nous n’arriverions pas à imiter ces insectes et ces animaux ? Je crois que les rites n’ont rien de superficiel. Ils ne font que supporter la nature de l’Homme pour stimuler l’entraide afin d’atteindre l’Harmonie. Vous, l’ancien, vous avez votre canne, et celle-ci est artificielle, n’est ce pas ? Cependant, elle agit comme une jambe pour vous maintenir. Ainsi, c’est une extension de votre nature. Pouvons-nous donc encore dire que cette canne est artificielle alors qu’elle ne fait plus qu’un avec votre corps pour vous maintenir ? »
11. Celui qui a connu l’authentique dureté peut sincèrement savourer la douceur. Celui qui a connu l’ authentique douceur peut sincèrement savourer la dureté.
12. Les individus compréhensifs acquièrent facilement l’opinion favorable des autres. Les individus rigides se créent beaucoup d’inimitiés. L’eau se fraye toujours un chemin. Les pierres des ruisseaux, bien que dures, se détériorent progressivement.
13. Un tyran qui dit faire quelque chose pour votre bien est souvent pour augmenter son emprise sur vous.
14. – Maître, pouvez-vous définir l’Homme de bien ?
– Il cultive constamment ses vertus, ne cesse de s’améliorer, prudent et à l’écoute, il n’émet pas un jugement hâtif.
– Peut-on dire que celui qui assume des responsabilités et affronte les adversités calmement est un Homme de bien ?
– Je ne sais pas si cela est suffisant pour être un Homme de bien, cependant, ce sont des qualités admirables.
15. Soyez diligents avec les tâches ingrates. Comme une maladie grave, les tâches ingrates ne vont qu’en s’empirant. Soyez précautionneux avec les moments de plaisirs. Une fois installés, ils peuvent fausser la réalité et faire oublier les responsabilités et les efforts à fournir quotidiennement.
16. Il y a un temps pour tout. Un temps pour le repos, un pour l’oisiveté, un pour le travail. Ce qui importe, c’est qu’il soit administré de façon harmonieuse et équilibrée.
17. Sachez bien vous entourer. De bons amis sont la garantie d’une solide avancée vers la perfection morale. Un vrai compagnon est toujours présent, quelques soient vos conditions de vie. Pauvre, il n’est pas répugné par votre indigence. Riche, il n’est pas intéressé pour se voir offrir des présents de votre part. Enfin, sa franchise n’a pour but que votre bien. Voilà comment reconnaître un bon ami : il ne souhaite que votre succès et votre amélioration, sans jalousie.
18. Il y a ce qui est dit et ce qui est fait. Portez attention au premier, mais surtout au second.
19. – Maître, que pouvez vous me dire à propos de l’amitié ?
– L’Homme est un linge. Il prend les couleurs et les odeurs de ce qui l’entoure. S’il est baigné dans un joli bleu et dans un parfum de jasmin, le tissu sera resplendissant. S’il baigne dans la crasse il sera grisâtre et malodorant. Par conséquent, sachez bien vous entourer.
20. L’Harmonie en société repose sur les principes suivants : une communication claire, chaque individu affecté à ce dont il est le plus compétent et avec lequel il est le plus à l’aise, la quête de la paix de tous. Comme un corps, la société est composée de différents éléments qui forment un tout cohérent et fonctionnel : le cœur, les viscères, la tête… L’un n’est pas forcément plus noble que l’autre car il y a une forme d’interdépendance entre les différentes parties.