Les Entretiens de Ruzi – Chapitre 18

Pour rappeler le contexte de rédaction des « Entretiens de Ruzi » je vous invite à relire l’introduction de ce projet. Bonne lecture !

1. L’agression ou la coopération. Ce sont les deux lois universelles des interactions sociales. Certains ne comprennent que la première. D’autres, plus civilisés, connaissent la deuxième et utilisent la première qu’en cas extrême.

2. Plus un trait de caractère est exagéré, plus il est feint. Un tigre ne surjoue pas son agressivité, mais il est le plus craint de tous.

3. – Maître, que dire des rites (li) et de la droiture (yi)?
– Ce sont deux frères. L’un ne va pas sans l’autre. Le sérieux de la droiture est nécessaire pour le civisme quotidien et la bienséance. Le décorum, ou rites, va inculquer la discipline typique de la droiture. Ainsi, l’un et l’autre se nourrissent mutuellement.

4. Le Maître discutait avec un groupe de disciples autour de l’idée de l’effort. Il demanda aux étudiants leurs avis respectifs :
– Dites moi, pour vous, quel est le véritable effort ?
– Celui qui est pénible, est un réel effort.
– Il faut aussi savoir s’organiser pour qu’il ne soit pas vain !
– Il n’a de valeur que s’il est moral.
– Et vous Maître, qu’avez-vous à en dire ?
– Dans l’ensemble, une synthèse de ce que vous dites. A cela je rajoute qu’un effort porte des fruits uniquement s’il y a une persévérance et une détermination acharnées. Parfois, on fournit de nombreux efforts, mais on obtient aucun résultat et cela est frustrant. Par conséquent, la valeur d’un effort se situe davantage sur la durée que sur l’intensité momentanée.

5. Je déteste ces experts qui au nom de leurs expertises se montrent condescendants. A peine sortis de leurs domaines de prédilection qu’ils deviennent des chiots égarés. Où est donc passée toute leur morgue ?

6. A un disciple qui avait des problèmes de famille il dit : « Écoute systématiquement les différentes versions. N’écouter qu’une seule partie donne une vision partielle et subjective. Entendre l’autre versant permet de découvrir l’affaire sous un jour nouveau. Ensuite, si tu dois te ranger d’un côté, choisis celui qui te semble le plus juste, eu égard aux actes antérieurs. Les antécédents permettent de discerner les récurrences du bon et du mauvais. »

7. Les défauts qui nous irritent le plus chez les autres sont souvent exacerbés chez nous aussi. Ainsi, l’aveugle reconnaît que les problèmes de vue sont ennuyeux. Le drame est que nous reconnaissons rarement que ce défaut qui nous irrite tant chez un autre est bien présent chez nous.

8. Je préfère un compagnon courtois mais avec qui je suis en désaccord qu’un compagnon rustre avec qui je partage des idées. L’un est agréable par sa présence, même en cas de dispute il est plaisant. Le second est constamment méprisable, même lorsque l’on discute des conceptions communes.

9. – Maître, ne trouvez vous pas que les plus jeunes ont cette affreuse tendance à être déréglés ?
– J’ai pensé cela pendant un temps. Puis, je me suis souvenu que la génération d’avant la mienne disait la même chose de nous. Je crois que c’est dans la nature des choses que les aînés dénigrent les cadets. A bien y réfléchir, j’étais loin d’être un modèle de vertu lors de ma jeunesse. Laissons le temps aux jeunes gens d’apprendre. Qui peut se vanter d’être un modèle de sagesse dès la naissance ?

10. Ces personnes qui geignent à répétition se rendent inaudibles aux autres. Cela s’explique par la lassitude d’entendre quelqu’un se plaindre pour tout alors que chacun a des épreuves à surmonter au quotidien. N y a t il pas plus de dignité à surmonter les épreuves de la vie en silence et en ressortir plus sage ?

11. Le Maître trouvait toujours douteux un Homme qui utilisait de manière excessive l’humour.

12. L’authentique reconnaissance, l’écoute et l’intégrité sont sûrement les meilleurs moyens de s’assurer la confiance des autres.

13. Le Maître avait été interrogé par ses élèves sur la meilleure façon de trouver un partenaire. Sa réponse était : « Premièrement, soyez patients et ne vous arrêtez pas qu’aux apparences. Apprenez à connaître la personne. Découvrez ses qualités et ses défauts. Si vous vous accommodez bien de ses défauts, vous êtes en compagnie de quelqu’un avec qui vous pourrez vivre tranquillement. Pour la paix de la famille, soyez sûrs que vous partagez la même vision de l’avenir pour la maisonnée. »

14. Suite à cette réponse, un élève demanda l’avis du Maître sur les relations intimes. Il dit : « C’est le point culminant de la relation charnelle avec son partenaire. Nous savons cacher un trésor matériel, mais serions-nous incapables de préserver un minimum un trésor lié à notre corps ? »

15. Discours trop élaboré, discours vicié. Discuter n’est pas s’enorgueillir, ni manipuler, ni humilier mais simplement communiquer et échanger.

16. Parlez moi de nouveaux outils et de nouvelles techniques autant que vous le souhaitez. L’essentiel n’est pas là, mais bien dans la pratique des vertus et l’étude des classiques Confucéens.

17. – Maître, comment bien discerner?
– Suivez la Nature.
– Comment faire cela ?
– Le bon boucher tranche la viande en suivant les fibres musculaires. Il ne va pas à l’encontre de la structure naturelle de la viande. Celui qui travaille habilement le bois adapte son œuvre en fonction des fibres du bois. Il ne va pas à l’encontre de la structure naturelle du bois. De la même façon, on discerne les bons et les mauvais penchants en observant les comportements. Un bavard gardera difficilement un secret. Par conséquent, on évitera de se confier à lui. Voilà le sens de mon propos.

18. – Combiner richesses et vertu, voilà un défi compliqué que seuls des sages comme Yao et Shun peuvent relever.
– Yao et Shun étaient-ils si sages ?
– Selon la tradition, oui.
– En quoi est-ce si difficile ?
– Les richesses donnent du confort, le confort donne le goût à l’oisiveté excessive, l’oisiveté excessive conduit à la paresse, la paresse aux plaisirs comme but ultime, les plaisirs comme but ultime à l’extravagance des activités de loisir, l’extravagance des activités de loisir à la débauche, la débauche à la dégénérescence, la dégénérescence au mépris de la vertu et de la tempérance.

19. L’Homme analyse la réalité par extension à son propre mécanisme de fonctionnement. Autrement dit, une personne naïve ne voit le mal nulle part et agit en fonction de cette perception. Un individu retors ne voit que des manipulations autour de lui et agit en conséquence. Ainsi, on tend à croire que les autres réfléchissent et agissent sur le même modèle que nous. La réelle empathie consiste à s’extraire de notre compréhension de la réalité et à laisser la place à une autre façon de voir pour comprendre la perception -et donc les moyens d’action- des autres personnes.

20. La piété filiale consiste davantage à supporter les défauts de ses parents en silence qu’à les nourrir durant leurs vieux jours. D’ailleurs, celui qui considère que nourrir ses parents est un signe suffisant de piété filiale estime les mauvaises choses (les biens matériels plutôt que les valeurs morales). S’il estime les mauvaises choses, comment peut-il être un fils digne ? 

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